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Dossier

L’imaginaire du « grand public » au tournant du Web (1993-1997)

Camille Paloque-Berges

Résumés

De quelle manière les utilisateurs « experts », impliqués dans le développement d’Internet, contribuent-ils à façonner l’idéal type des nouveaux publics sur les réseaux (qu’il s’agisse des « publics participatifs » ou du « grand public » de consommateurs des médias en réseaux) ? En quoi cela implique-t-il une médiation propre à la transmission des savoirs techniques sur et à propos d’Internet ? Situant notre observation dans un moment de transition technologique, politique et économique d’Internet (1993-1997), cet article se base sur l’étude des discussions de groupes d’informaticiens sur Usenet, l’ancêtre des réseaux socionumériques, et leurs interactions avec les néophytes en matière de connaissances techniques sur l’usage des réseaux. Trois figures de la médiation des savoirs d’usage de l’informatique en réseau se dégagent à cette observation : la régulation des conflits dans la sociabilité en ligne, la transmission des savoir-faire, et la mobilisation sur des questions sociétales posées aux technologies Internet. Médiations informelles aux causes et effets ambivalents, elles illustrent une série de crises générées par des prises de conscience critiques qui ont marqué le paysage des réseaux de communication autour de la notion de « grand public ».

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Texte intégral

Introduction

1À qui s’adresse Internet, et qui peut s’adresser à Internet ? Cette question absurde, aujourd’hui, s’est cependant posée au début des années 1990 alors que les technologies Web ouvrent la voie des réseaux Internet au grand public. Technologie hétérogène et complexe réservée aux informaticiens, aussi bien dans sa maîtrise technique que dans les contenus d’informations auxquels elle offre l’accès et les types de communication qu’elle permet, réservés aux plus aguerris, aux moins naïfs, face au risque de s’y perdre, se voir trompé, etc. tel est l’image que renvoient alors les grands médias de ce nouveau média réticulaire décentralisé. Il manquerait à l’usager des médias traditionnels une culture technique pour utiliser un nouveau moyen de communication qui ne semble adapté qu’aux spécialistes de cette nouvelle technoscience qu’est l’informatique. Le processus de popularisation d’Internet dans les pays occidentaux s’est cependant enclenché au mitan des années 2000 : à partir de là, un renversement s’est opéré et le fait de ne pas maîtriser les nouvelles technologies de l’information et de la communication, dont Internet est un des grands symboles, devient une forme d’« illettrisme » pour les politiques d’éducation et d’incitation à l’innovation numérique (Lévy et Jouyet, 2006 : 46). Cependant, pas de politique de médiation des savoirs techniques d’Internet avant cela, du moins hors de formations scolaires spécialisées, bien souvent réservées aux informaticiens eux-mêmes. Aussi, comment les publics d’Internet sont-ils devenus « lettrés » en matière de technologies numériques ?

  • 1 Cette perspective prend acte de l’histoire des savoirs techniques dans le temps long : par exemple (...)

2Si cet article n’a pas l’ambition de répondre à cette vaste question, il souhaite cependant éclairer un facteur important de la publicisation des technologies Internet – publicisation au double sens d’Internet qui devient une technologie entrant dans la sphère des savoirs publics d’une part1, et qui construit et rencontre ses publics d’utilisateurs d’autre part. Quelles médiations ont pu permettre aux savoirs techniques d’Internet de sortir de la « république des informaticiens » (Flichy, 2001) ? Nous faisons ici l’hypothèse qu’il ne s’est pas seulement agi d’incitation à l’innovation et à la consommation numérique aboutissant à une nouvelle économie de services et à l’équipement des foyers dans le domaine des réseaux informatiques de communication. Cette lecture de l’incitation à l’innovation, pour pertinent soit-elle en terme économique, nous semble présenter le défaut de séparer l’histoire d’Internet en un « avant-Web », celui des utopies (Flichy, 2001, Turner, 2013), et un « après-Web », celui du grand public, et réduire ce dernier à un consommateur de médias sociaux. Ce serait oublier, par ailleurs, la question des savoirs et savoir-faire importants pour comprendre la façon dont Internet a été approprié techniquement par les publics, ce qui fait toute l’originalité de ce média dit contributif ou participatif (Millerand, Proulx et Rueff, 2010). Nous avançons que l’acclimatation des publics aux technologies d’Internet a aussi eu lieu à travers des formes d’intermédiations de ces savoirs entre des utilisateurs expérimentés et savants d’Internet et des nouveaux entrants, intermédiations ayant eu lieu sur le réseau même. Médiations informelles, elles peuvent aussi être non intentionnelles aussi bien que réflexives de la part des « savants » des réseaux, puisqu’elles concernent leurs pratiques quotidiennes d’Internet.

3Les publics les plus outillés techniquement sont considérés comme des publics récursifs, c’est-à-dire développant les moyens de communication sur les savoirs techniques nécessaires à l’objet de leur travail collectif – ces derniers relevant de communautés d’initiés en matière d’informatique (Kelty, 2008), de communautés de pratiques (Wenger, 1998). L’enjeu des intermédiations précédemment évoquées va être de confronter ce mode de transmission participatif du savoir technique à des publics non récursifs – et le plus souvent non contributifs. On retrouve dans cet enjeu la dichotomie relative à la médiation dite traditionnelle, séparant les experts des profanes, mais aussi l’importance du medium Internet comme tiers symbolique et médiateur sociotechnique (Jeanneret, 2005).

4Nous proposons ici l’analyse d’un moment particulièrement marquant dans l’histoire des transformations des publics d’Internet : le début de la popularisation d’Internet en France à la faveur, et « au risque » (selon les anciennes générations) du Web (Schafer, Paloque-Berges et Georges, 2015). Nous nous sommes penchés sur le cas d’un dispositif de communication médiée en réseau, très utilisé avant l’apparition des médias sociaux du Web : Usenet, un service de groupes thématiques de discussion d’accès général ; et plus spécifiquement sur quatre groupes dédiés aux technologies de réseau informatique alors fréquentés par des utilisateurs expérimentés d’Internet aux profils socioprofessionnels largement liés aux métiers de l’informatique : fr.network.divers, fr.network.internet, fr.comp.infosystemes et fr.soc.internet. L’année 1993 est un moment pivot : les technologies du Web sont rendues publiques, et une reconnaissance politique et économique est amorcée de la part des décideurs, faisant entrer Internet dans l’ère de sa commercialisation ; c’est aussi l’année où une branche francophone est créée au sein d’Usenet (fr.). Quelques années plus tard, Internet a achevé sa « publicisation » : la technologie est débattue au Parlement pour être mieux régulée, et défendue par des associations d’utilisateurs ; on parle en 1997 d’un Conseil de l’Internet. Pour rendre compte de leurs réactions à l’arrivée de ces nouveaux publics, nous avons opéré une analyse qualitative des discussions de ces groupes, en ciblant des moments interactionnels de deux ordres : d’une part, ceux où un néophyte vient poser une question technique relative à l’installation et à l’usage d’un matériel, d’un périphériqueou d’un logiciel pour mieux utiliser Internet ; d’autre part, les moments où le thème du néophyte ou du grand public est discuté par les habitués des groupes. Notre analyse a porté sur les discours, mais aussi sur les pratiques communicationnelles révélées dans l’interaction. Nous les avons étudiés en mettant en regard les normes d’usage internes au médium (reconnues et valorisées par la communauté) et d’autres normes, externes au médium et relatives aux logiques économiques, politiques, sociales, et médiatiques mises en perspectives avec le nouveau média Internet. Notre posture s’appuie sur la perspective sociosémiotique d’Igor Babou et de Joëlle Le Marec, qui analysent les médias comme « communications sociales », « dispositifs qui délimitent des espaces à la fois matériels et représentationnels – représentations sociales, représentations du savoir, statut des actants de la communication », en tant qu’ils peuvent prendre en charge des questions Science-Technologie-Société de manière « banales » (Babou et Le Marec, 2004 : p. 4). Enfin, notre approche de la médiation des savoirs techniques est similairement marquée par la problématique de la « trivialité » défendue par Yves Jeanneret (2008) : comment les savoirs techniques liés aux usages des réseaux circulent-ils dans l’usage même de la communication en réseau ?

  • 2 Cette recherche a été permise par un contrat post-doctoral du LabEx HASTEC (au laboratoire DICEN-ID (...)

5À l’analyse de ces discussions sur Usenet, on verra que c’est toute la richesse de la notion de médiation qui est interrogée : la médiation dans la régulation de conflits internes aux usages de réseau, la médiation dans la transmission des savoirs techniques pour les nouveaux usagers, et enfin la médiation dans la réflexion et la mobilisation autour de questions liant les technologies de réseau et le sociopolitique.2

La médiation dans la régulation des conflits de sociabilité : le tiers excluant d’une technologie ouverte, participative et inclusive

6L’histoire du réseau Usenet, que l’on peut considérer comme l’ancêtre des médias socionumériques, est structurée par une série de conflits concernant les « nouveaux publics » d’Internet et donc développe une certaine pratique de la médiation pour la régulation de ces conflits.

Un idéal d’accès général : pour la communication des techniques informatiques ?

7Usenet a été créé en 1979 alors que les usages sociaux d’Internet sont relativement réduits, limités à l’échange de courrier électronique sur le mode individuel ou collectif (les listes de diffusion). L’initiative, issue d’un projet d’étudiants américains utilisateurs des systèmes d’exploitation Unix (parmi les plus utilisés à l’époque dans les laboratoires de recherche et les centres de support en technologie de l’information aux USA puis en Europe), obéit à une tactique socio-communicationnelle claire :

  • créer un réseau de communication qui puisse servir de support d’information et d’organisation pour les Unixiens (un réseau social d’utilisateurs de système informatique) ;

  • prendre le train en marche des réseaux informatiques interconnectés et créer ses propres canaux de communication pour ne pas laisser cette nouvelle technologie aux grands programmes de recherche prestigieux considérés comme élitistes (Arpanet) ou aux réseaux propriétaires (par exemple Bitnet, le réseau des machines IBM).

8Se construit alors autour de l’expérience d’Usenet un modèle de public participatif, un « public récursif » qui sera chéri par les communautés libristes (autour des logiciels libres et de l’open source), un public qui construit les moyens de communication qui lui permettra de coopérer sur un même objet technique avec les matériaux mêmes de la technologie sur laquelle il coopère – Internet en général, et Usenet en particulier, se présentant comme les réseaux idéaux permettant de transmettre tout en pratiquant les nouveaux savoirs de l’informatique (Kelty, 2008). Usenet se présente comme une alternative à la « netville » d’Arpanet, une cité techno-scientifique relativement cloisonnée : le réseau des utilisateurs d’Unix veut faire circuler et diffuser les connaissances techniques auprès d’une population élargie d’informaticiens, comme le montre le titre du premier manuel de Usenet (« General Access Network »). Le réseau se construit aussi bien sur une ouverture technique réelle (n’importe qui peut rejoindre Usenet, du moment qu’il a les compétences techniques, le matériel et les logiciels) que sur le retournement d’un sentiment d’exclusion sociale. Baptisés les « netizens », les premiers Usenautes veulent faire médiation auprès du « petit peuple de la communauté des sciences informatiques » (Hauben et Hauben, 1997). Cette médiation est cependant d’un genre particulier : la socialisation à – et par – la technique a pour but de créer une dynamique de participation dans l’appropriation de nouveaux outils et usages et l’administration auto-régulée d’un réseau par les utilisateurs. En ceci, la référence à l’éthique « hacker », avec ses principes d’ouverture et de libre utilisation des outils informatiques, est présente dans les origines de Usenet.

9Bien sûr, cette ouverture est toute relative : son effectivité est contrainte par une réalité sociotechnique initiale, impliquant des compétences professionnelles et un niveau d’équipement ainsi que des réseaux sociaux formels ou informels de cooptation. Dans ce nouveau réseau technique se recréent également des formes réciproques de reconnaissance des utilisateurs qui deviennent des usagers réguliers et familiers des réseaux. Si l’échange discursif n’est pas limité à la langue technique et formelle des experts, mais se déploie plutôt sur le registre de la langue ordinaire, il dessine pourtant les contours d’un « esprit de réseau » dont l’efficacité repose sur la connivence entre Usenautes (Mourlhon-Dallies et Colin, 2004). Comprendre cet « esprit de réseau », c’est savoir parler le langage de la culture technique de Usenet et reconnaître les références qui la sous-tendent jusqu’au folklore qui y est construit en creux (Paloque-Berges, 2012).

La question des nouveaux publics : une crise permanente, structurelle et constituante d’une identité

10Le langage ordinaire de la technique nourrit le sentiment d’appartenance à une communauté qui se veut aussi un espace public, où tout le monde, théoriquement du moins, peut prendre la parole et participer à la gouvernance. Cependant, l’ouverture de Usenet s’accompagne d’une diversification des thématiques de discussion (Usenet devenant une plateforme de discussion générale), qui pose des problèmes d’identité et de gestion logistique du réseau. Les premières « net.wars » concernent précisément le basculement d’un réseau de diffusion d’une culture et d’un savoir technique à un réseau de sociabilité électronique où toutes les connaissances et opinions peuvent être discutées (Grossman, 1999). Parler d’autre chose que de questions techniques « sérieuses » est considéré comme du gaspillage de temps, alors que l’utilisation des réseaux informatiques reste dans les années 1980 onéreux et complexe. Une série de grandes controverses en ligne, aux alentours de l’année 1986, aboutit à la réorganisation des thématiques des groupes vers plus de variété dans les discussions, et un pouvoir accru des utilisateurs qui peuvent voter pour accepter ou non la création de nouveaux groupes. Si les savoirs techniques des informaticiens des premiers temps de Usenet se diversifient jusqu’à devenir une discussion globale sans préférence thématique, le sentiment subsiste que l’arrivée de nouveaux publics potentiellement (in)compétents constitue une véritable menace sur le bon fonctionnement du réseau, ce qui nourrit le mythe récurrent de l’« Imminent Death of the Internet predicted » (« on prédit la mort imminente de l’Internet »).

111993 est une année charnière : Usenet, et, au-delà, Internet, ne s’effondrent pas, mais changent radicalement face à l’arrivée, cette fois-ci massive, de nouveaux utilisateurs favorisée par la médiatisation des technologies Web et par l’offre des premiers FAI commerciaux. L’un des grands mythes de Usenet, le « Eternal September », illustre ce p = fantasme de l’afflux massif d’utilisateurs qui n’ont ni les compétences ni l’expérience pour utiliser Internet dans les règles de l’art (celles façonnées par la première génération d’usagers, initiés depuis plus d’une décennie), ni la culture d’auto-apprentissage, d’observation patiente et de participation sociotechnique qui leur permettraient de devenir des Usenautes légitimes aux yeux de cette première génération (Paloque-Berges, 2012 et 2013). Ce « septembre qui n’en finit pas » marque, selon nous, l’entrée d’Internet dans ce que nous nommons « l’ère du grand public ».

  • 3 Toutes les citations sont extraites de notre corpus (sauf mention contraire) et comportent les faut (...)

12Les groupes qui nous concernent sont touchés par le phénomène, ou en tout cas présentent un discours inquiet face à la mutation des réseaux, comme en témoigne un Usenaute : « il est difficile de prévoir ce qui se passera lorsque plusieurs dizaines de millions d’usagers inexpérimentés accéderont a des ressources limitées »3. La congestion technique (surcharge des serveurs, brouillage des connexions), la saturation informationnelle (trop d’information rendant plus difficile le tri) mais aussi des problèmes organisationnels (la complexification de l’administration et de la tarification des flux, la gouvernance et la régulation internes aux réseaux) sont évoqués et débattus. La principale inquiétude est la transition « du statut de village à celui de mégapole » : que deviendra le netizen quand sa culture technique auto-référencée ne suffira plus à équilibrer les usages ? L’image de l’internaute expérimenté et bienveillant à l’égard des nouveaux, déjà fortement ambivalente (Paloque-Berges, 2013), laisse place à celle des « anciens » méfiants à l’égard de la révolution des réseaux « modernes ». Les conflits se cristallisent autour des comportements des nouveaux utilisateurs, fautifs de ne pas connaître l’« esprit de réseau », fondé sur les savoirs pratiques des techniques de réseau et l’éthique de la communication d’Internet qui lui est associée. Ici, le thème technique (des discussions entre informaticiens) et son aspect performatif (le geste technique associé à la bonne pratique de la communication en réseau) se rencontrent dans un argumentaire qui fonde une éthique d’Internet – mais aussi ses ambivalences et ses rapports de force (Paloque-Berges, Gueguen et Scopsi, 2013).

13L’idée de public s’en trouve singulièrement grevée : l’on voit persister le modèle de « public récursif » de niche dans les groupes étudiés alors qu’Internet change tout autour d’eux : la médiation des savoirs techniques reste l’apanage d’un public de participants initiés, au moins dans les groupes rassemblant des utilisateurs experts (ceux qui ont l’expérience). Cependant, le modèle techniquement ouvert de Usenet force, sinon l’admission, au moins la rencontre avec l’idée et la réalité du grand public, en premier lieu les néophytes qui pourraient vouloir se cultiver sur ces nouvelles technologies.

La médiation dans la transmission des savoirs techniques liés aux usages de réseau : le tiers du collectif sociotechnique et la construction du néophyte

  • 4 Nous empruntons la distinction entre énonciation subjectivisée et objectivisée à l’article de Sophi (...)

14À la question de la médiation conciliatrice, pouvant être porteuse d’exclusion si les règles d’usage sociotechnique ne sont pas bien connues ou comprises, s’ajoute celle de la médiation didactique, concernant la transmission des savoirs et savoir-faire techniques aux publics profanes. Ici, cette définition de la médiation passe par une énonciation « subjectivisée » (Moirand, 2004 : 84), c’est-à-dire des interlocutions d’acteurs qui ne sont pas porteurs d’une intention qui serait didactique a priori et « objectivisée » (ibid.) dans un support dédié, mais qui intègrent la transmission et la circulation des connaissances sur les techniques de réseau dans leurs usages mêmes4. Les usagers expérimentés ont pu être décrits comme des « personnes-ressources » importantes dans les lieux professionnels pour instruire les profanes sur les nouvelles technologies de réseau alors que l’Internet se popularise (Carmagnat, 1996). Cependant, dans les groupes en ligne, le traitement de la figure du néophyte est plus ambivalent.

Un programme de communication « pour tous » ?

  • 5 Message « Une hiérarchie de news pour la communauté francophone » daté du 12/12/92 et envoyé sur le (...)

15Penchons-nous sur la naissance de la branche francophone de Usenet, créée au tournant des années 1992-1993 par des collectifs informels. Le manifeste de la création est proposé fin 1992 par Christophe Wolfhugel, qui deviendra l’administrateur de la hiérarchie francophone, à ses pairs sur plusieurs groupes, pour discussion et modification des règles de création5. La motivation est de rassembler les « réseaux d’appartenance » linguistiques et organisationnels francophones (universités, associations, collectifs divers) éparpillés sur les réseaux (les groupes Usenet anglophones, mais aussi Bitnet par exemple).

  • 6 La « restriction » dans la diffusion des groupes est paramétrée au niveau des serveurs qui relaient (...)

16La discussion porte sur le modèle d’organisation générale de la nouvelle branche, en termes de hiérarchisation et de taxonomie des groupes. Le public envisagé est celui des francophones déjà habitués à Usenet : pour la création de nouveaux groupes par exemple, il s’agit de suivre les règles existantes. C’est ce public qu’il faut atteindre en premier, en construisant avec soin le dispositif de diffusion technique des communications liées aux groupes : la nouvelle hiérarchie « doit être reçue par tous sans restriction »6.

17Que veut dire ce « par tous » ? Les archives des échanges sur Usenet nous montrent qu’il peut inclure les nouveaux utilisateurs qui ne sont pas experts en informatique, mais seulement au détour d’une discussion sur le type de machines pouvant être connectées au réseau :

« pour de nombreux utilisateurs non informaticiens le PC ou le MAC est la station de bureau. C’est aussi vrai pour de nombreux informatikos ». Les « informatikos » sont premiers, les autres passent après, comme le résume un discutant : « Pour le moment le besoin tel que je le vois est de creer des newsgroups techniques ou scientifiques (comp.* sci.*) pour que ceux qui ont actuellement acces au reseau puissent posed des questions en francais. En parrallele ou dans un deuxieme temps, il faut etendre le reseau aux non-techniciens, non-scientifiques, et créer des nesgroups d’interet different. »

18Si l’on insiste sur le fait qu’il faut communiquer le mieux possible sur le projet en informant les utilisateurs, l’audience cible reste dans le cadre de la participation récursive du public d’initiés.

Le « newbie » effacé : pauvreté des interactions avec le public néophyte

19Une fois les groupes fr.* créés, où sont les néophytes dans les groupes de notre corpus, qui apparaissent comme des lieux pertinents pour venir chercher de l’information sur les réseaux informatiques ? Tout d’abord, à l’étude des éléments d’identification des participants (adresse email et signatures permettant de cerner le profil professionnel), on se rend compte qu’ils sont rares ; mais ces éléments ne sont pas toujours précis. On s’attache alors au langage du corps des messages, en repérant s’il existe un « esprit de réseau » que l’on définira par l’aisance de l’utilisateur à l’emploi des termes techniques et dans la manière de présenter l’objet de la discussion et soi-même.

20De ce point de vue, on remarque une récurrence dans les interventions des plus néophytes, qui est celle de la recherche d’information ciblée (plutôt que de la volonté d’échanger sur des questions techniques), et en particulier sur les nouvelles infrastructures matérielles et applications logicielles (systèmes d’information en réseau comme les navigateurs Web) permettant l’accès à Internet en général et aux emails, aux newsgroups de Usenet et au Web en particulier, parfois par le biais du Minitel, depuis la France métropolitaine ou l’étranger (Grèce, Tunisie, Océan Indien, pour ne donner que quelques exemples d’une cartographie variée). Les requêtes de ces publics néophytes sont d’ordre comparatif : dans un marché naissant pour l’accès au réseau, quel est le meilleur matériel, logiciel, ou encore FAI en termes techniques et commerciaux ? C’est en particulier dans les discussions sur les FAI que l’on commence à voir émerger l’expression « Internet pour le grand public », par exemple à l’arrivée de l’opérateur Oléane sur le marché en 1993-1994 – dont les employés sont très présents sur Usenet. Ces derniers sont acceptés parce qu’ils participent plutôt qu’ils ne promeuvent leur offre (une ligne de démarcation qui n’est pas évidente à tracer dans ces dernières années de croyance en un Internet non commercial, mais qui se dégage, encore une fois, à la reconnaissance d’un « esprit de réseau »).

21Quel est l’accueil réservé à ces questions de « newbie » (un nouveau venu ignorant) ? Beaucoup restent sans réponse, en particulier quand les questions affichent une formulation naïve et un empressement impatient, qualités suspectes pour un Usenaute. S’il y a une réponse, c’est très souvent par le renvoi à la documentation existante, par exemple les FAQ ou des manuels en ligne. Ou encore par des réponses de connivence, censées renvoyer le demandeur aux règles d’usage du réseau, par exemple quand une requête concerne directement la question des offres commerciales (toute publicité étant proscrite) : allusions et devinettes abondent soit pour moquer la requête, soit pour la renseigner à demi-mot sans faire montre d’une promotion trop volontariste. Le plus souvent, la question est détournée : les Usenautes expérimentés finissent par discuter entre eux de la meilleure réponse à apporter, augmentant le niveau technique de l’explication, voire élargissant le sujet à d’autres problèmes (finissant parfois en querelles sur les matériels et les logiciels et les actions techniques qui leur sont liées). Le néophyte, ainsi, est quelque peu malmené, souvent ignoré.

22Les plus courageux tentent de se forger un « esprit de réseau » : ils ont appris qu’un nouveau devait faire preuve d’humilité et d’effort, selon l’éthique de la communication de Usenet, et affichent une posture explicite censée leur attirer la sympathie des habitués, modalisant de manière exagérée leur discours d’approche :

« Je vais très certainement passer pour un neophite », « Bonjour, suite à mon ignorance, je cherche de la documentation », « Etant plutot novice dans le monde PC », « Je vais peut etre poser une question idiote », « Cette question a ete probablement ete posee deja pas mal de fois et j’en suis desole ».

23Mais le résultat est souvent le même que précédemment évoqué, et ces néophytes disparaissent rapidement, laissant la place à la grappe d’utilisateurs qui se sentent chez eux.

Images du grand public via le tiers « grand média »

24Si le néophyte est quasi-inexistant en pratique, il est omniprésent dans le discours entre habitués, sous la forme d’une dispute permanente sur le thème du « grand public ». Comme ce grand public est surtout un grand absent, voire un fantasme, les habitués passent par le détour de la représentation médiatique d’Internet qui commence à être façonnée par les grands médias. Sont ainsi évoqués des reportages télévisuels (La Marche du Siècle), radiophonique (sur France Culture ou France Info), et dans la presse (Libération, l’Express, Courrier International), sur un mode très critique ; trois tendances se dégagent.

  • 7 Le mouvement de panique médiatique à propos d’Internet au milieu des années 1990 est des points imp (...)

25Tout d’abord l’image générale d’Internet construite par les médias, ce dernier étant décrit comme un lieu hors de contrôle, une source où puiser et échanger des informations liées à des activités illégales ou répréhensibles. À titre d’exemple, on peut citer les mouvements de panique médiatique autour de l’affaire des attentats terroristes du RER B de 1995, qui donnent l’occasion à la presse de décrire Internet comme le lieu où l’on peut trouver des plans et manuels pour fabriquer des bombes. Les Usenautes fustigent alors cette couverture médiatique comme opportuniste et ridicule7.

26Ensuite, sont pointées les nombreuses erreurs techniques des journalistes dans leur tentative pour comprendre et rendre compte des possibilités d’accès et d’usages de ce nouveau média en réseau. Techniquement parlant, l’Internet est décrit, tour à tour, comme trop compliqué ou trop simple, et les journalistes fautifs sont encore une fois fustigés, cette fois pour démagogie ou incompétence. Les Usenautes leur reprochent une médiation dangereuse qui construit le grand public d’Internet dans une dynamique négative en se mettant « au niveau du public » (« Internet pour les débiles mentaux », cite l’un d’eux).

27Enfin, et c’est le plus grand reproche adressé par les Usenautes aux grands médias, les nouveaux publics ne sont envisagés qu’à travers un processus économique de clientélisation des usages des réseaux. L’internaute client est non seulement un naïf qui risque de se « faire avoir », mais surtout un utilisateur placé dans une position passive par les acteurs du nouveau marché numérique, celui qui ne participe pas au développement et à la gouvernance des réseaux mais qui ne fait que consommer du réseau.

28En définitive, dans les groupes de discussions d’informaticiens expérimentés et habitués d’Internet et de Usenet, l’arrivée massive des profanes dessinant l’horizon d’un Internet grand public est une menace faite à la « culture Internet au risque du Web » (Schafer, Georges, Paloque-Berges, 2015).

La médiation comme enjeu social du savoir technique : de la communication de petit groupe à l’espace public

29Une troisième figure de la médiation doit être interrogée, qui synthétise les deux premières et les dépasse, en ce qu’elle inscrit la question de la communication et de la médiation des savoirs techniques dans un projet social, à travers les interrelations discursives entre techniques, médias et société. Le lien entre maîtrise du savoir technique sur les réseaux Internet et intérêt pour le devenir technique et social d’Internet devient particulièrement prégnant à cette époque de popularisation. Le paysage technique, économique et politique a changé ; des organisations, encore informelles ou inexistantes jusque-là, ont vu le jour : l’ISOC (Internet Society) est née en 1992 pour gérer le développement d’Internet, notamment ses standards ; le Web voit naître également un organisme d’administration de ses standards en 1993 (W3C). En France, le rapport Théry de 1994 sur les « autoroutes de l’information » a fait des vagues, et une commission est mise en place en 1996 pour réfléchir à la régulation des usages. Certains membres des groupes étudiés peuvent être considérés comme des « Internautes militants », s’affichant « comme fortement intéressés par l’avenir d’internet » (Carmagnat, 1996). On se demandera, pour terminer, s’il y a un lien entre les savoirs d’usages techniques spécialisés des outils de communication d’Internet et la possibilité d’ouvrir la communication même à l’espace public, là où la discussion devient dialogue citoyen.

Représenter Internet 

30Internet, entré dans le champ médiatique, politique et économique, y est, selon les anciens de Usenet, mal représenté, et cela dans les deux sens du terme : les discours explicatifs et promotionnels sont erronés, mal informés, loin de la maîtrise des connaissances techniques ; les personnes les délivrant ne sont pas représentatives des communautés d’acteurs historiques. Si le consensus au sein de nos groupes est en faveur d’une représentation par les habitués et les vétérans qui sont les plus connaisseurs et les plus expérimentés, la possibilité d’un décalage entre leurs intérêts propres et ceux des nouveaux utilisateurs est convoquée comme caution du non-engagement paradoxal de ces Internautes militants. Le poids de l’héritage historique d’Internet est fort : on doit transmettre l’idée de « la MATURITÉ de l’INTERNET ! ». Les anciens veulent que les nouveaux prennent acte de leur expérience d’usage depuis une décennie, revue au goût du contexte actuel : sécurité et confidentialité, choix des fournisseurs d’accès, mise en place de serveurs pour continuer à étendre les réseaux et distribuer de l’information, choix d’applications en fonction des utilisations prévues (très orientées sur le télétravail et le groupware). Cependant, pour défendre cette représentation d’une technologie en évolution, portée par l’expérience d’utilisateurs aguerris, il faudrait refaire le parcours des anciens, mais cette fois-ci marqué par le sceau de la vulgarisation et de la commercialisation : suivre et participer aux séminaires et conférences qui se multiplient. Ici, les aficionados de l’Internet participatif ne veulent plus participer :

« Il ne faut JAMAIS mepriser ces seminaires generaux, car voyez vous, ils servent a des gens qui ne sont pas des hyper specialistes, mais qui ont une tres bonne culture generale sur un ensemble de sujet tres vaste… mais il est évident […] que personne ici n’ira assister à ces séminaires. »

31La position ambivalente de cet Usenaute éclaire ainsi le déficit de représentation de ces médiateurs informels qui ne vont pas sur le terrain autre que celui des espaces en ligne. On peut expliquer cela par la forme particulière de l’espace public électronique : auto-organisé, prenant en main sa propre gouvernance, il constitue une microsociété dont les instances de représentation et de mobilisation ne sont pas faites pour s’appliquer, sur le plan collectif, à l’espace public hors-ligne.

Techniciser le débat public ou le diluer ?

  • 8 C’est sous la délégation de François Fillon au ministère de l’Industrie, des Postes des télécommuni (...)

32Le cas de la (non)participation des Usenautes au débat sur l’instauration d’un ordre public électronique entre 1996 et 1997, est éclairant sur ce point8. Afin de contrer un projet de régulation des usages, perçu par les internautes comme un dispositif de contrôle et de surveillance, des internautes se mobilisent sur les listes de discussion. Alors que cette politique souhaite inclure, parmi les acteurs des nouveaux paysages des réseaux, les utilisateurs eux-mêmes, le débat public trouve naturellement sa place dans les espaces de discussion d’Internet, qui portent la promesse d’une forme de démocratie technique où, tous ensemble, experts, amateurs et profanes, pourront discuter et délibérer sur le mode des « associations hybrides » décrites par Callon, Lascoumes et Barthes (2001). Meryem Merzouki, présidente de l’Association des Utilisateurs d’Internet (AUI), prend la parole le 5 mars 1997 sur Usenet, dans le groupe fr.misc.droit (sujets divers – miscellaneous – sur le droit) au nom de son association et de l’ISOC France contre ce qui est perçu comme une tentative pour surveiller et contrôler Internet :

« Les acteurs d’Internet, c’est nous, les citoyens, avant toute chose.
Internet, c’est notre affaire à tous. Pour l’instant, c’est le seul
 moyen d’expression sans médiateur : conservons-le, ne nous laissons pas
 imposer la censure, et faisons en sorte d’en développer l’usage par le 
plus grand nombre. » Elle y indique que des débats publics se dérouleront sur deux listes de diffusion, « ouvertes à tous, et chacun peut s’y inscrire et y participer, dans la meilleure tradition d’Internet. »

33Du côté des Usenautes, c’est l’expérience du réseau qui prime, cette fois encore, mais dans le sens d’une rivalité entre plusieurs outils techniques d’intermédiation des savoirs. Pourquoi un débat sur les listes plutôt que sur les groupes Usenet ? se demandent-ils. De la même façon que les questions des néophytes étaient souvent détournées pour être technicisées dans un débat sur les meilleures pratiques des technologies informatiques, le fond politique du problème se perd dans la querelle sur les formes et technologies qu’il faudrait utiliser pour débattre. Cette technicisation des moyens de discussion est l’anti- « espace public » même, selon Habermas : les protocoles de débat public doivent être rationnels, non techniques. Les Usenautes ne seront finalement pas représentés au sein de ce débat autrement que par l’action de quelques individus.

Conclusion

34En définitive, pour reprendre l’expression de Joëlle Le Marec dans le cadre de sa théorie des composites, qu’est-ce que le terrain (des communications de groupe sur Usenet) fait au concept (de public d’Internet) ? On a vu que le « grand public », avec ses néophytes réels ou fantasmés, naïfs ou fauteurs de troubles, n’est pas tout à fait le bienvenu sur Usenet, malgré des changements structurels, techniques aussi bien que politiques et économiques, en train de se dérouler dans les années 1990 avec l’arrivée du Web. Usenet, le « réseau des utilisateurs de système Unix », a élargi sa sphère de socialisation aux savoirs techniques informatiques à celle de l’usage d’Internet pour la communication sur tous les sujets possibles, tout en maintenant dans sa culture participative une valeur ajoutée à la maîtrise des savoir-faire liés à la communication informatique, gage de maîtrise et de pouvoir sur les réseaux. Pour les apprentis Internautes, cette maîtrise est un enjeu pour s’acclimater aux nouveaux médias numériques, et Usenet fort d’une tradition d’ouverture à tous les utilisateurs des réseaux, s’improvise espace de médiation. On a pu voir se dégager trois figures de la médiation entre savants et profanes en matière d’usage technique d’Internet : la première relève de la médiation des conflits, fonction sociotechnique consubstantielle à la sociabilité conflictuelle des réseaux ; la deuxième illustre les désirs contradictoires de collectifs experts quant à la diffusion et l’échange d’informations sur les outils dont ils sont les maîtres, avec une volonté d’inclusion des publics dans la collaboration des réseaux, mais en excluant ceux qui refusent la dynamique participative ; la troisième, enfin, ouvre la possibilité d’un dialogue technologie-société, mais rencontre la difficulté de l’engagement dans une mobilisation réelle dans l’espace public, hors des espaces de l’entre-soi, en confrontation avec les structures sociojuridiques existantes en dehors des mondes en ligne.

35En définitive, les intermédiations sur Usenet des usages techniques liés à Internet sont loin de transmettre parfaitement un savoir technique à ses nouveaux publics. Mais les échecs de cette médiation, comparés au succès d’Internet, nous font penser que la définition d’un « public » d’Internet doit prendre en compte ces difficultés : il se construit dans une culture technique de la communication en réseau. Le public d’Internet est par défaut participant ; mais cette participation n’est pas gage de contribution, elle peut se résorber dans les problèmes de sociabilité fréquents. Un savoir d’usage technique se construit dans le savoir-faire, mais aussi le savoir-dire : apprendre à utiliser les technologies d’Internet, c’est aussi apprendre à parler à ceux qui les utilisent depuis longtemps. Enfin, la technicisation de la communication en ligne fait du débat public sur Internet un objet fragile, qui a du mal à s’inscrire dans le débat public. Le possible technicisme des communautés les plus anciennes, s’il ne réduit pas toute la sphère de la socialisation des techniques informatiques à seul déterminisme technique, rencontre l’indéterminisme des usages, et est mis à l’épreuve de la publicisation d’Internet. Des publics d’Internet à Internet comme objet public, il y a bien une réflexion sur comment faire de la communication en réseau une médiation efficace pour que l’internaute « fasse ses lettres ». En ce sens, les intermédiations difficiles des communautés Usenet sont efficaces en ce qu’elles ouvrent la possibilité aux usagers de confronter leurs nouveaux savoirs liés aux technologies d’Internet à leur socialisation, et Usenet opère cette rencontre entre techniques et société dans la communication.

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Bibliographie

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Notes

1 Cette perspective prend acte de l’histoire des savoirs techniques dans le temps long : par exemple les travaux de Hélène Vérin et de Dominique Margairaz respectivement sur l’émergence à l’époque moderne d’un « espace public de la technique » et sur la reconnaissance de la technique comme un « savoir public extraite des logiques de corps » (citées in Pérez, 2009).

2 Cette recherche a été permise par un contrat post-doctoral du LabEx HASTEC (au laboratoire DICEN-IDF, Cnam) pour l’année 2012-2013.

3 Toutes les citations sont extraites de notre corpus (sauf mention contraire) et comportent les fautes d’orthographe et contraintes typographiques d’origine (en particulier l’absence d’accent, à une époque où les encodages de signes diacritiques ne sont pas encore généralisés sur tous les logiciels d’édition de texte et messageries électroniques).

4 Nous empruntons la distinction entre énonciation subjectivisée et objectivisée à l’article de Sophie Moirand, « De la médiation à la médiatisation des faits scientifiques et techniques : où en est l’analyse du discours ? », in Babou et Le Marec, 2004 : pp. 71-99.

5 Message « Une hiérarchie de news pour la communauté francophone » daté du 12/12/92 et envoyé sur les groupes fnet.general, resif.admin, soc.culture.french, fdn.admin, frmug.general, gna.admin, et son fil de discussion sur le groupe soc.culture.french jusqu’au 23/12/93.

6 La « restriction » dans la diffusion des groupes est paramétrée au niveau des serveurs qui relaient les groupes auprès des ordinateurs qui y sont connectés.

7 Le mouvement de panique médiatique à propos d’Internet au milieu des années 1990 est des points importants traités par le documentaire Une contre-histoire de l’Internet (Julien Goetz et Jean-Marc Manach, 2013, Arte) [en ligne] http://lesinternets.arte.tv/about/

8 C’est sous la délégation de François Fillon au ministère de l’Industrie, des Postes des télécommunications (1995-1997) qu’un projet de loi de réglementation des télécommunications est présenté au Conseil Constitutionnel en 1996, est abandonné, notamment sous la pression des premières associations d’utilisateurs. Une « Commission Beaussant » est mise en place pour formuler une nouvelle proposition sous la forme d’un « code de bonne conduite » qui deviendra la Charte de l’Internet en 1997. Celle-ci vise à mener à la constitution d’un Conseil de l’Internet, tentative qui sera suivie par une série d’avatars temporaires dont le dernier en date est celui du Conseil National du numérique de 2011. « La Charte de l’Internet. Règles et usages des Acteurs de l’Internet en France » (1997) [en ligne] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/974055000/0000.pdf

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Pour citer cet article

Référence électronique

Camille Paloque-Berges, « L’imaginaire du « grand public » au tournant du Web (1993-1997) »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 7 | 2015, mis en ligne le 05 octobre 2015, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/rfsic/1478 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rfsic.1478

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Auteur

Camille Paloque-Berges

Camille Paloque-Berges est docteure en Sciences de l’information et de la communication. Son travail porte sur la socio-histoire de la communication médiée par les réseaux informatiques, et sur l’étude des archives et documents numériques natifs comme sources historiographiques et patrimoniales en sciences de l’information et de la communication. Elle est actuellement ingénieure de recherche au laboratoire HT2S (Cnam) et chercheuse associée au laboratoire DICEN-IDF (Cnam).

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